Homélie du Père Emmanuel Schwab

33ème dimanche Pendant l’Année – Année A

1ère lecture : Proverbes 31,10-13.19-20.30-31 – Psaume : 127 (128),1-2, 3, 4-5

2ème lecture : 1 Thessaloniciens 5,1-6

Évangile : Matthieu 25,14-30

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Quand l’Écriture parle d’une “femme parfaite”, c’est sans doute de l’Église qu’elle parle. La sainte épouse du Christ, l’Église, cette humanité que le Christ Jésus est en train de rassembler pour l’épouser et en faire ainsi son corps. L’Église par laquelle ils se rend présent au monde. L’Église dont, par pure grâce, sans aucun mérite de notre part, nous sommes devenus les membres par le baptême, la confirmation et l’Eucharistie, les sacrements de l’initiation chrétienne.

Cette première lecture tirée du livre des Proverbes nous invite à relire notre propre relation au Seigneur Jésus. Peut-il nous faire confiance et avec nous ne pas manquer de ressources ? Est-ce que je fais, est-ce que nous faisons le bonheur du Seigneur Jésus, et non pas sa ruine, tous les jours de notre vie ? Savons-nous choisir la laine et le lin, et travailler de nos mains volontiers, au service du Seigneur ? Nos doigts s’ouvrent-ils en faveur du pauvre sous les traits duquel le Seigneur lui-même se rend présent ? Savons-nous tendre la main aux malheureux ?

Vous connaissez peut-être cette anecdote de la vie d’une autre Thérèse, sainte Teresa de Calcutta, à qui un journaliste lui demandait un jour ce qui n’allait pas dans l’Église, et elle lui a répondu : « You and me ! Vous et moi ». Qu’est-ce qui doit changer dans l’Église ? Vous et moi. Qu’est-ce que je peux faire pour que l’Église soit plus belle, plus sainte ? Devenir moi-même plus beau et plus saint. Et nous avons, en sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, une maîtresse de sainteté.

Thérèse se plaint — c’est le 4 août 97 — ; elle dit : Ainsi, même pour la Sainte Écriture, n’est-ce pas triste de voir toutes les différences de traduction ? Si j’avais été prêtre, j’aurais appris l’hébreu et le grec, je ne me serais pas contentée du latin, comme cela j’aurais connu le vrai texte dicté par l’Esprit Saint (CJ 4 août, 5). Et c’est vrai qu’il y a dans l’Évangile de ce jour un petit détail qui n’est pas anecdotique. Notre traduction nous dit : « Celui qui avait reçu les cinq talents s’en alla pour les faire valoir et en gagna cinq autres ». Le grec utilise l’expression suivante : εἰργάσατο ἐν αὐτοῖς, il travailla en eux. Et je regrette que ce verbe “travailler”, n’apparaisse pas dans la traduction. Il s’agit de travailler avec les biens que le Seigneur nous a laissés. C’est pour cela que la vie chrétienne est fatigante ! Parce qu’il s’agit de travailler sans relâche, jusqu’à notre dernier souffle, pour faire fructifier ce que le Seigneur nous a laissé.

Ma Bible, est-elle plusieurs fois par semaine sur mes genoux, ou bien est-elle cachée en permanence sur une étagère ? Simple question…

Les sacrements de l’Église, je les reçois volontiers régulièrement ? L’Eucharistie chaque dimanche, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, mais aussi le sacrement de pénitence et de réconciliation, plusieurs fois par an ? Mais aussi, si je vis comme si j’étais marié, le sacrement du mariage… ?

Ce que le Seigneur nous laisse, qui est sa Parole agissante dans les Saintes Écritures comme dans les sacrements : est-ce que je la reçois de manière telle qu’elle travaille en moi ou que je travaille en elle ? Et il faut utiliser les deux expressions pour bien comprendre que la Parole de Dieu est puissante : elle fait ce qu’elle dit ; mais pour qu’elle puisse faire ce qu’elle dit, j’ai à travailler pour la recevoir. Il s’agit bien de travailler.

Sur la question du “travail”, Thérèse n’est pas avare, elle parle du désir qu’elle a de travailler pour la gloire du bon Dieu (Ms C 8r°). Dans le manuscrit A, elle dit : Jésus fit de moi un pêcheur d’âmes, je sentis un grand désir de travailler à la conversion des pécheurs (Ms A 45v°). Et elle travaille à la conversion des pécheurs non pas en allant leur faire la leçon, mais en s’offrant elle-même à Jésus, en s’offrant à l’amour miséricordieux de Dieu, et en profitant de toutes les petites occasions de petits sacrifices invisibles aux yeux des hommes pour manifester son amour en retour à Jésus, pour manifester qu’elle l’aime plus que tout.

Dans une lettre à Céline, alors qu’elle vient d’entrer au Carmel, elle lui dit : Céline chérie, un jour nous irons au Ciel, pour toujours, alors il n’y aura plus de jour ni de nuit comme sur cette terre… Oh ! quelle joie, marchons en paix en regardant le Ciel, l’unique but de nos travaux. L’heure du repos approche (LT 90).

Quelques jours après, dans une autre lettre, elle écrit, toujours à Céline : Nous n’avons que les courts instants de notre vie pour aimer Jésus, le diable le sait bien, aussi tâche-t-il de la consumer en travaux inutiles…(LT 92).

Et il me semble que les lecteurs de ce jour nous invitent à peut-être examiner notre vie. À quoi je passe mon temps ? Qu’est-ce que je fais de toute la sainte journée ? Il y a assurément nécessité de dormir plusieurs heures par nuit. Il y a nécessité aussi du repos éveillé. Que faisons-nous des 24 heures de notre journée ? Je dors, mais mon cœur veille, dit l’épouse du Cantique des Cantiques (5,2). Comment est-ce qu’en toute chose, je cherche à travailler à l’œuvre de Dieu, y compris dans mon repos éveillé.

Comment mon cœur est-il présent à la présence de Dieu ? Les parents le savent bien : quand ils ont un enfant malade, c’est toute la journée que cet enfant malade est présent à leur cœur. Les amoureux le savent bien : quand on est amoureux, c’est toute la journée que la présence de l’être aimé est présente au cœur. Sommes-nous suffisamment amoureux de Jésus pour qu’il soit présent à notre cœur, quelle que soit notre activité ? Et que nous puissions apprendre de cet amour pour Jésus à travailler sans relâche à l’œuvre de Dieu ?

Si nous cherchons ainsi à travailler sans relâche à l’œuvre de Dieu, lorsque viendra le jour du Seigneur comme un voleur dans la nuit, comme dit Paul, nous n’aurons rien à nous faire voler puisque nous aurons déjà tout donné au Seigneur. Il vient comme un voleur dans la nuit pour celui qui veut garder sa vie pour lui-même… Mais pour celui qui déjà cherche à se donner tout entier au Seigneur, lorsque le Seigneur vient, ce ne peut pas être comme un voleur puisqu’il n’y a rien à voler, puisque tout a déjà été donné.

Demandons cette grâce de travailler sans relâche à l’œuvre de Dieu, quel que soit notre état, quelle que soit notre vie.

En toute chose, sachons nous donner nous-mêmes au Seigneur, en accueillant Sa Parole, en accueillant la grâce des sacrements, pour qu’il puisse progressivement devenir lui-même notre sainteté.

Amen