Dimanche 23 novembre 2025
Jésus Christ Roi de l’Univers – Année C
Homélie du Père Emmanuel Schwab
1ère lecture : 2 Samuel 5,1-3
Psaume : 121 (122),1-2,3-4,5-6
2ème lecture : Colossiens 1,12-20
Évangile : Luc 23,35-43
Dans son petit livre « Le chemin de l’homme », Martin Buber raconte l’histoire de ce vieux rabbin, entouré de ses disciples, qui un jour leur demande : « Où est Dieu ? » Les disciples se regardent les uns les autres, inquiets de la question du vieux rabbin. Personne n’ose répondre, et le vieux rabbin répond lui-même à sa question : « Dieu est là où on le laisse entrer. »
Et m’inspirant de cette histoire, je poserais bien la question : où Dieu règne-t-il ? Et je répondrais : Dieu règne là où nous le laissons régner.
Où le Christ est-il roi ? Chez celui qui laisse Jésus régner dans son cœur.
Si bien que nous comprenons immédiatement que nous avons tous la possibilité de laisser grandir en ce monde le Royaume de Dieu, le règne de Dieu, puisque la seule liberté sur laquelle nous avons prise, c’est la nôtre. En laissant le Seigneur régner davantage dans notre vie, nous le laissons davantage régner dans le monde.
Mais ce Royaume, ce règne de Dieu, la manière dont Dieu règne, ce règne que nous appelons de nos vœux chaque fois que nous prions le Notre Père — que ton règne vienne — ce règne, ce Royaume, ne s’impose pas par la force, il se propose par l’amour. Si l’Évangile nous fait entendre la mort du Christ en croix et sa rencontre avec le bon larron — mais pas seulement le bon larron, avec aussi le mauvais larron, les soldats, les chefs des prêtres —, c’est parce que c’est bien là son trône : c’est la croix qui est son trône. Et c’est là qu’il nous faut contempler le Seigneur.
Thérèse invite sa sœur Céline à contempler ainsi Jésus dans sa Passion, elle écrit :
Jésus brûle d’amour pour nous… Regarde sa Face adorable !… Regarde ces yeux éteints et baissés !… regarde ces plaies… Regarde Jésus dans sa Face… Là tu verras comme il nous aime. (LT 87 du 4 Avril 1889, à Céline)Ce règne du Christ se propose dans l’amour, et c’est en accueillant cet amour que nous pouvons laisser le Seigneur régner toujours davantage dans nos vies et que nous pouvons toujours davantage devenir disciples du Seigneur en faisant ce qu’il dit parce que sa parole aura de plus en plus de pouvoir sur nous. Non pas un pouvoir qui nous viole, mais un pouvoir qui nous constitue, qui nous ressuscite, qui nous donne la vie.
Le monde, nous le savons, est le lieu d’une formidable bataille. L’ennemi — le diable ou le satan — cherche à tout arracher de la main du Père. Jésus dit de lui, dans l’évangile de saint Jean : il est homicide dès le commencement, menteur et père du mensonge (Jn 8,44). Là où nous voyons le mensonge à l’œuvre, c’est toujours que le diable est à l’œuvre. Là où nous voyons la mort faire son œuvre, c’est toujours que le diable est à l’œuvre.
Le Seigneur Jésus se décrit lui-même comme étant le Chemin, la Vérité et la Vie (Jn 14,6). Et si nous voulons vraiment laisser le Seigneur régner dans nos vies, régner dans nos cœurs, régner dans notre monde, il nous faut aimer la vérité et faire la vérité ; il nous faut aimer la vie et accompagner la vie de toute personne. Pour pouvoir progresser sur ce chemin, Thérèse comprend que la croix de Jésus est le chemin qu’il a pris pour entrer dans son Royaume, et c’est le chemin qu’il nous propose de prendre à notre tour, à sa suite et jamais sans lui. Ce qui fait que Thérèse va s’écrier dans sa prière pour demander l’humilité :
Je le sais, ô mon Dieu, vous abaissez l’âme orgueilleuse mais à celle qui s’humilie vous donnez une éternité de gloire, je veux donc me mettre au dernier rang, partager vos humiliations afin « d’avoir part avec vous » dans le royaume des Cieux. (Prière 20, 16 Juillet 1897)
Oui, ce règne de Dieu sur cette terre n’apparaîtra pas de manière extraordinaire, n’apparaîtra pas tel que les hommes pensent la puissance : le Royaume de Dieu sur cette terre apparaît toujours dans un cœur humble qui entre dans le mystère de la croix. Et le mystère de la croix consiste à devenir vainqueur du mal par le bien, vainqueur du mensonge par la vérité, vainqueur de la mort par la vie. Et cela ne se fait pas sans souffrance.
Où Dieu règne-t-il ? Là où on le laisse régner.
Dans une de ses dernières lettres, adressée à l’abbé Bellière, Thérèse se souvient :
Lorsque je commençais à apprendre l’histoire de France, le récit des exploits de Jeanne d’Arc me ravissait, je sentais en mon cœur le désir et le courage de l’imiter, il me semblait que le Seigneur me destinait aussi à de grandes choses. Je ne me trompais pas, mais au lieu de voix du Ciel m’invitant au combat, j’entendis au fond de mon âme une voix plus douce, plus forte encore, celle de l’Epoux des vierges qui m’appelait à d’autres exploits, à des conquêtes plus glorieuses, et dans la solitude du Carmel j’ai compris que ma mission n’était pas de faire couronner un roi mortel mais de faire aimer le Roi du Ciel, de lui soumettre le royaume des cœurs. (LT 224 du 25 avril 1897)
Ce règne de Christ se joue, nous le comprenons bien, dans chaque personne qui accueille ce règne. Mais il est important aussi qu’il puisse éclairer et illuminer la société des hommes.
Il est important qu’il puisse éclairer et illuminer la culture, c’est-à-dire cet ensemble d’art de vivre qui constitue une communauté humaine.
Je vous invite à lire, ou à relire si vous ne l’avez jamais fait, le discours difficile mais vraiment marquant, de saint Jean-Paul II le 2 juin 1980 à l’UNESCO. Un discours sur la culture, une méditation sur ce qu’est la culture.
Oui, il faut que la lumière de l’Évangile, la révélation que Dieu nous fait de la vérité de l’homme à travers le Christ Jésus, il faut que cela puisse aussi imprégner la culture, imprégner la manière de vivre d’une société. Car si ce n’est pas Dieu et son Christ qui éclairent notre manière de vivre, nous risquons fort de perdre notre identité d’homme qui est d’être créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Nous risquons fort de devenir seulement des consommateurs écervelés, manipulables facilement.
Saint Jean-Paul II termine son allocution avec une triple affirmation vigoureuse où il dit :
Oui ! l’avenir de l’homme dépend de la culture !
Oui ! la paix du monde dépend de la primauté de l’Esprit !
Oui ! l’avenir pacifique de l’humanité dépend de l’amour !
Annoncer le Royaume de Dieu, accueillir ce Royaume dans nos propres vies, inviter nos contemporains à se laisser appeler à la grâce de ce Royaume et à apprendre à vivre de la grâce de ce Royaume, c’est faire du bien à notre monde.
Proposer le Christ à nos contemporains, c’est leur proposer la vie, c’est leur ouvrir un avenir. Car Dieu nous a donné le Christ Jésus pour que nous ayons la vie et que nous l’ayons en abondance.
Amen
Galerie vidéos
Souvenirs et supports de prière
Office du Tourisme de Lisieux