Dimanche 29 juin 2025

Solennité de saints Pierre et Paul – Année C

Homélie du Père Emmanuel Schwab

1ère lecture : Actes 12,1-11

Psaume : 33 (34),2-3,4-5,6-7,8-9

2ème lecture : 2 Timothée 4,6-8.17-18

Évangile : Matthieu 16,13-19

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Avant d’être des colonnes de l’Église, Simon et Saul ont fait une rencontre : rencontre paisible, mais plutôt dérangeante, pour Simon. Certes, il avait déjà rencontré Jésus à Béthanie au-delà du Jourdain, là où Jean baptisait. Mais lorsqu’avec son frère André, il nettoyait les filets dans la barque et que Jésus les a appelés, il a tout laissé là et il s’est mis à sa suite. Bouleversement dans sa vie.

La rencontre de Saul avec Jésus a été plus violente, plus brutale. C’était sur le chemin de Damas où Saul a cette apparition qui le renverse. Rencontre du Ressuscité ou plutôt du Crucifié ressuscité, qui va le conduire au baptême par Ananie à Damas.

Mais l’un et l’autre sont marqués dans leur histoire par le refus du Christ. Saul, c’était comme fils d’Israël versé dans les Saintes Écritures qu’il contestait à ce Jésus de Nazareth la prétention d’être le Messie annoncée. Et sans doute parce que pour lui, la croix était incompatible avec ce qu’il avait compris de qui devait être le Messie. Et précisément, sur le chemin de Damas, c’est cela qui lui est révélé : en refusant le Crucifié, il le persécute et en conséquence il persécute l’Église. Dans cette rencontre, Paul va être retourné, mais il gardera toute sa vie ce souvenir qu’avant d’être sauvé, il se perdait en refusant le Salut. Simon, lui, avance à la suite de Jésus, fait des découvertes, écoute son enseignement, se voit confier comme nous l’avons entendu dans l’évangile la responsabilité de l’Église : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église ». Mais nous le savons bien, si nous avions poursuivi l’évangile de quelques versets, nous aurions déjà entendu Simon Pierre se faire appeler “Satan” par Jésus/ En effet, lorsque Jésus annonce sa Passion, Pierre lui dit : « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas ». Et Jésus lui répond : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes » (Cf. Mt 16,22-23). Simon Pierre va être comme fasciné par Jésus. Il va vraiment aimer le Seigneur et lorsqu’ils seront à la veille de sa Passion, Simon Pierre est prêt à aller jusqu’au bout avec Jésus : « Si tous viennent à tomber à cause de toi, moi, je ne tomberai jamais » (Mt 26,33)…
« Simon, Simon Le diable vous a réclamé pour passer au crible, mais j’ai prié pour toi, pour que ta foi ne défaille pas, quand tu seras revenu, affermi tes frères. » Et Pierre va devoir revenir de son triple reniement. Et il sera toujours, jusqu’aujourd’hui en 2025, celui qui a par 3 fois renié le Seigneur.

Le Seigneur n’appelle à sa suite que des pauvres pécheurs. Nous ne pouvons comprendre le Salut que dans notre histoire personnelle. Ce n’est pas dans les livres, ce n’est pas dans le catéchisme, que nous pouvons comprendre ce qu’est le Salut : c’est dans notre expérience personnelle vitale que nous pouvons saisir ce que cela veut dire être sauvé par Jésus.

Et pour cela, il faut lui permettre de nous rejoindre là où se trouve notre péché. C’est de manière très étonnante, très déroutante, très bouleversante, que c’est précisément là où nous sommes le plus en rébellion vis-à-vis de Dieu, là où nous sommes le plus éloignés, là où nous sommes le plus cachés de Dieu… c’est là que le Seigneur peut vraiment se révéler parce qu’il vient nous sauver, parce qu’il vient nous faire passer des ténèbres à la lumière, parce qu’il nous fait passer de la mort à la vie, parce qu’il nous fait passer de la tristesse du péché à la joie de la charité. Et lorsque nous nous mettons à la suite du Christ, nous pouvons éprouver que nous quittons des tristesses, des inquiétudes qui nous habitaient, parce que la confiance dans le Seigneur nous fait vivre les choses autrement en nous les faisant regarder autrement, et que l’espérance du Ciel change tout dans notre histoire. Nous savons vers quoi nous marchons, et nous savons comment les choix que nous faisons ici-bas ont une incidence sur notre destinée éternelle, que nous pouvons dès maintenant nous préparer à cette rencontre ultime ; et que c’est même cette rencontre ultime de Christ Sauveur, lorsque nous passerons de vie à trépas, qui donne le sens à tout notre cheminement.

Mais ce cheminement rencontre aussi des épreuves. Nous l’avons entendu dans les lectures de ce jour, que ce soit pour Pierre qui va se retrouver détenu en prison, que ce soit Paul qui dit aussi les difficultés qu’il a pu rencontrer — il les énoncera beaucoup plus largement dans la deuxième lettre aux Corinthiens. Et là il dit : « Tous m’ont abandonné. Le Seigneur, lui, m’a assisté. J’ai été arraché à la gueule du lion ; le Seigneur m’arrachera encore à tout ce qu’on fait pour me nuire. »

Nous sommes disciples du Crucifié. Inévitablement, lorsque nous suivons Jésus, lorsque nous nous laissons éclairer par lui, lorsque nous vivons cette conversion qu’est la métanoïa en grec — ce qui veut dire d’abord le changement d’esprit, regarder les choses comme Dieu les voit. Et Dieu sait qu’aujourd’hui, Dieu continue de les voir dans le bon sens, dans notre monde qui les a toutes ou presque mises à l’envers… que ce soit sur le sens de la masculinité, de la féminité, le sens du mariage, le sens de l’éducation, le sens de la liberté. Cette « conspiration universelle contre le silence » dont parlait Bernanos, qui fait qu’il nous faut nous battre parfois avec nous-mêmes pour tout éteindre et rester dans le silence où le temps nous paraît parfois si long. Oui, avancer à la suite du Christ nous fait connaître des épreuves. Et là, je ne parlais que des épreuves finalement qui nous sont intérieures, mais nous pouvons aussi rencontrer de l’opposition, de la calomnie. Nous pouvons aussi rencontrer hélas parfois de la haine. Toutes ces épreuves des disciples de Jésus nous conduisent à grandir dans la foi, l’espérance et la charité. Les apôtres sont unanimes, Pierre, Paul, Jacques, Jean, à nous dire dans leurs Lettres que l’épreuve fait grandir la foi, que l’épreuve vérifie la qualité de notre foi et que nous devons donc nous réjouir des épreuves, car elles sont l’occasion de grandir dans la sainteté.

La question que Jésus pose aux disciples n’est pas le recueil d’un sentiment subjectif. Jésus ne va pas faire un sondage d’opinion. La question est précise même si elle est souvent mal traduite. La question est très exactement dans le grec : Qui dites-vous que je suis ? Et cette question n’est pas seulement une question du catéchisme : est-ce que j’ai la bonne réponse ? Il nous faut élargir cette question : Qu’est-ce que ma vie dit de Jésus ? J’ai regardé dans les écrits de sainte Thérèse, je n’ai pas trouvé de référence à cet évangile. Mais toute la vie de Thérèse répond à cette question, toute la vie de Thérèse proclame qui est Jésus.

Il est le Sauveur plein de miséricorde !

Il est celui qui est toujours avec nous.

Il est celui qui nous conduit de la mort à la vie.

Il est celui qui nous conduit vers le Père.

Il est celui en qui nous pouvons avoir une totale confiance.

Dans ses écrits, que ce soit ses lettres, ses manuscrits, ses poésies, ses prières, ses récréations pieuses et les entretiens notés au vol par ses sœurs, tout nous parle de Jésus Sauveur Et toute la vie de Thérèse nous parle de Jésus Sauveur. Il nous faut vraiment désirer qu’il en soit ainsi dans chacune de nos vies.

Cette question de Jésus « Qui dites-vous que je suis ? » peut nous servir, j’allais même dire doit nous servir, d’examen de conscience.

Aujourd’hui qu’est-ce que ma vie dit de Jésus ?

Ceux qui m’ont rencontré, qu’ont-ils pu comprendre de Jésus à travers moi ? Non pas parce que je leur ai parlé de Jésus, mais parce que j’ai cherché à les aimer comme Jésus nous a aimés. Il ne s’agit pas de se donner en spectacle, il ne s’agit pas de vouloir faire la leçon à quiconque. Il s’agit, par l’Esprit-Saint qui nous est donné, avec l’aide des sacrements, en méditant sans cesse les Saintes Écritures, il s’agit d’aimer comme Jésus nous a aimés et de devenir nous-mêmes des Évangiles en chair et en os que nos contemporains puissent déchiffrer et qu’un jour, ils puissent poser la question : Pourquoi vis-tu ainsi ? Et là nous pourrons dire: c’est à cause de Jésus ou c’est grâce à Jésus.

Oui frères et sœurs, en célébrant la fête des saints Pierre et Paul, rendons grâce à Dieu parce que le Seigneur nous a appelés, il nous a choisis, il nous a établis, et il nous a envoyés, pour que nous portions du fruit, et que notre fruit demeure. Ce fruit de l’Esprit, c’est d’abord et avant tout la joie d’être sauvés et la charité qui en découle.

Amen

Père Emmanuel Schwab, recteur du Sanctuaire