Dimanche 13 avril 2025

Dimanche des Rameaux et de la Passion – Année C

Homélie du Père Emmanuel Schwab

Procession des Rameaux – Luc 19,28-40

« Détachez-le et amenez-le. Si l’on vous demande : “Pourquoi le détachez-vous ?” vous répondrez : “Parce que le Seigneur en a besoin.” »

Ce que l’Évangile nous enseigne à propos de cet âne dont nous ne savons pas grand-chose, c’est qu’il est détaché, délié, pour servir le Seigneur. C’est une magnifique prophétie, une magnifique image de ce que le Seigneur fait pour nous. Dieu s’est fait homme pour venir délier l’homme de son péché, pour que l’homme puisse servir Dieu. Frères et sœur, la bonne nouvelle de ce jour, c’est que vous êtes des ânes, c’est que nous sommes des ânes que le Seigneur vient délier parce qu’il a besoin de nous, parce qu’il veut avoir besoin de nous. Comme le dit Thérèse dans une lettre à Céline :

Jésus a pour nous un amour si incompréhensible qu’il veut que nous ayons part avec lui au salut des âmes. Il ne veut rien faire sans nous. (LT 135 à Céline – 15 août 1892)

Oui, frères et sœurs, Dieu veut nous délier de nos péchés. Il veut nous délier de tout ce qui nous retient loin de lui pour que nous puissions servir le Dieu vivant, pour que nous puissions servir Jésus, pour que nous puissions faire retentir dans notre monde si douloureux, si déboussolé, la bonne nouvelle du Salut. Vous connaissez peut-être ce qu’on appelle la devise des chartreux : La croix demeure tandis que le monde tourne.

Oui, frères et sœurs, nous sommes témoins d’un salut pour notre monde. Nous sommes témoins de la miséricorde de Dieu pour tous les hommes. Nous sommes non seulement les témoins, mais les bénéficiaires et les acteurs de cette miséricorde.

Alors imitons les foules de Jérusalem heureuses d’acclamer le Seigneur : avançons dans la paix.


1ère lecture : Isaïe 50,4-7

Psaume : 21 (22), -9, 17-18a,19-20, 22c-24a

2ème lecture : Philippiens 2,6-11

Évangile : Luc 22, 4 – 23,56

« Pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. Et il disait : “Jésus, souviens-toi de moi

quand tu viendras dans ton Royaume” ».

Saint Luc est le seul à nous rapporter cet épisode de la Passion de Jésus, cette confession de foi, cette reconnaissance du péché, cette confiance exprimée par cet homme en Jésus en qui il a reconnu quelqu’un qui peut le sauver, quelqu’un qui peut lui ouvrir un chemin par-delà la mort. Cette confession, nous pouvons la faire nôtre. Nous pouvons la faire nôtre dans ces deux dimensions.

La dimension de confession du péché : oui, après ce que nous avons fait, nous méritons de mourir. Je sais bien que cela n’est pas très à la mode, mais c’est l’enseignement de toute l’Écriture : la mort est la conséquence du péché et la mort éternelle est la conséquence du refus de la miséricorde de Dieu. Il est hélas possible à l’homme de se damner éternellement. Cela a tellement saisi sainte Thérèse qu’après sa conversion dans la maison des Buissonnets à Noël 1886, elle raconte immédiatement la manière dont elle a porté un condamné à mort, Pranzini, elle l’a porté dans la prière, dans les sacrifices, dans la pénitence, pour qu’il ne soit pas damné et pour qu’il s’ouvre au Salut. Oui, frères et sœurs, la liberté de l’homme est telle qu’il peut refuser Dieu pour l’éternité.

Comme le disait le cardinal Ratzinger à la cathédrale Notre-Dame de Paris il y a quelques années, en 2003, je crois : « L’enfer, c’est là où Dieu n’est pas ».

Il nous faut faire nôtre cette confession de foi du bon larron, aussi dans sa dimension de confiance et d’espérance : « Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume ». Cet homme comprend que, malgré tout ce qu’il a fait, celui-là qui est crucifié avec lui, Jésus, peut lui ouvrir un avenir et un avenir d’éternité. Sainte Thérèse est très tôt comme fascinée par cette miséricorde de Dieu. Dans un de ses poèmes les plus connus, Vivre d’amour, elle écrit :

6. Vivre d’Amour, c’est bannir toute crainte

Tout souvenir des fautes du passé.

De mes péchés je ne vois nulle empreinte,

En un instant l’amour a tout brûlé…..

Flamme divine, ô très douce Fournaise !

En ton foyer je fixe mon séjour

C’est en tes feux que je chante à mon aise :

« Je vis d’Amour !… » (PN 17)

Reconnaître nos péchés, les reconnaître au point de pouvoir les nommer, les énoncer, les expliciter, et tout particulièrement le faire en cette Semaine Sainte dans le sacrement de pénitence et de réconciliation, en allant trouver le prêtre et en disant : Oui, mon père, bénissez moi parce ce que j’ai péché et voici mes péchés…

Mais si je viens dire mes péchés dans le sacrement de pénitence et de réconciliation, c’est parce que je crois que Dieu m’ouvre un avenir, que par la mort et la résurrection de Jésus, le Seigneur m’ouvre un chemin de conversion. La grâce première que je reçois quand je vais me confesser, c’est de repartir avec une volonté affermie, une volonté rendue plus forte par une communion renouvelée à Dieu.

L’Église nous invite au moins une fois par an, de préférence à Pâques, à aller recevoir ce si beau sacrement. Et je vous y engage fortement !

La réponse de Jésus au bon larron : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis » est aussi la réponse que Jésus nous fait à chacun de nous, lorsque, reconnaissant nos péchés, nous exprimons le renouvellement de notre confiance totale en la miséricorde de Dieu, notre confiance totale en Jésus qui nous sauve… Aujourd’hui, avec moi : c’est cela le paradis. Si l’enfer est là où Dieu n’est pas, le paradis c’est être avec Jésus dès maintenant… Aujourd’hui.

Thérèse écrit à Céline peu de temps après être entrée au Carmel :

Oh oui. Ne soyons qu’un avec Jésus, méprisons tout ce qui passe. Nos pensées doivent se porter au ciel puisque c’est là la demeure de Jésus. (LT 65 à Céline – 20 octobre 1888)

Mais Jésus, qui se rend présent auprès de nous, au milieu de nous, fait advenir dès maintenant le Ciel sur la terre. En lui, le Royaume est présent, en lui le paradis est là. Mais encore faut-il être avec Jésus ! Et c’est cela la vie chrétienne, frères et sœurs : être chrétien, c’est être disciple de Jésus. C’est marcher avec Jésus chaque jour, chaque instant, être avec lui. Une femme qui attend un enfant est avec lui toute la journée et toute la nuit. C’est une très belle image de notre relation à Jésus. Il s’agit vraiment de le porter en nous puisqu’il veut faire en nous sa demeure, de le porter dans cette intimité de communion. Mais cela prend du temps à apprendre. Deux mois et demi avant sa mort, Thérèse écrit à l’abbé Bélière dans une lettre :

Je ne m’étonne en aucune façon que la pratique de la familiarité avec Jésus vous semble un peu difficile à réaliser ; on ne peut y arriver en un jour, mais j’en suis sûre, je vous aiderai beaucoup plus à marcher par cette voie délicieuse quand je serai délivrée de mon enveloppe mortelle, et bientôt comme St Augustin vous direz : « L’amour est le poids qui m’entraîne. (LT 258 à l’abbé Bellière – 18 juillet 1897) Oui, frères et sœurs, apprenons de Thérèse à vivre cette intime communion avec Jésus au quotidien, à vivre cette familiarité avec Jésus, parce que c’est aujourd’hui, c’est avec Jésus et jamais sans lui, qu’il veut nous faire goûter ici et maintenant, à travers les épreuves et les soucis quotidiens, à travers les inquiétudes de notre monde, c’est aujourd’hui avec lui qu’il veut nous faire goûter la joie du paradis.

Et par cette joie, nous encourager à poursuivre notre chemin pour parvenir, par sa Passion et par sa Croix, à la gloire de sa résurrection.

Amen

Père Emmanuel Schwab, recteur du Sanctuaire