
« S’attacher à rien… »
Le Carême 1888 est le dernier que Thérèse passe dans le monde. Monseigneur Hugonin, l’évêque de Bayeux, a donné son accord à l’entrée de Thérèse au Carmel malgré son jeune âge, contre l’avis du chanoine Delatröette, supérieur du Carmel, qui fait contre mauvaise fortune bon cœur comme l’exprime Soeur Agnès de Jésus à sa jeune soeur Thérèse : « Il est certainement froissé qu’on ait eu recours à Monseigneur ; jamais, nous a-t-il dit, je ne changerai d’avis » (LC 75).
Thérèse apprend le 1er janvier 1888, la bonne nouvelle de son entrée prochaine. Celle-ci est cependant différée au 9 avril, à cause du Carême qui, au Carmel, est un temps difficile à vivre tant la règle de vie devient plus rigoureuse, ponctuée de multiples privations et sacrifices.
Le Mercredi des Cendres 15 février 1888, saint Louis Martin offre un petit agneau à Thérèse. Mais la neige et le froid ont raison de l’animal qui meurt au bout de trois jours. Thérèse est touchée par la mort de cet agnelet. Elle l’écrit à Soeur Marie du Sacré-Cœur, le 21 février : « Tu ne sais pas, ma chère Marraine, combien la mort de ce petit animal m’a donné à réfléchir, oh oui ! sur la terre il ne faut s’attacher à rien, pas même aux choses les plus innocentes car elles vous manquent au moment où on y pense le moins. Il n’y a que ce qui est éternel qui peut nous contenter » (LT 42).
Et si précisément, notre effort de carême consistait à apprendre à nous détacher de ce qui nous encombre, ruine notre existence, occupe notre esprit et nous prive finalement de notre liberté intérieure qui est d’être à Jésus seul ?
Certes, il convient de continuer de vivre. Comme l’exprime Saint- François-de-Sales, dans l’ « Introduction à la vie dévote », il ne s’agit pas de demander à des époux engagés dans la vie de travail, sociale, familiale, de vivre comme des Chartreux ou comme s’ils ne devaient rien posséder. Mais peut-être que pour vivre, précisément, il convient de se laisser déposséder de soi-même pour que, conduits au désert, nous redécouvrions le trésor de l’unique nécessaire qui fait tout notre bonheur.
À ses jeunes soeurs, Céline et Thérèse, Pauline recommande : « Aimez la Croix, c’est le mât béni où s’attachent les voiles de l’amour. Un vent du Ciel pousse ensuite le navire de notre cœur et nous nous détachons de la terre ». Puis elle termine ainsi sa lettre : « La Sainteté est la seule beauté de la terre. Demandons-la, travaillons pour l’acquérir, les yeux fixés sur le modèle : Jésus ! »
Bon Carême !..
Père Olivier Ruffray,
Recteur du Sanctuaire
Directeur du Pèlerinage